Anciennement reléguée derrière la chimiothérapie ou les rayons, l’hormonothérapie joue pourtant un rôle clé dans la prévention des récidives du cancer du sein.
Zoom sur ce traitement, entre informations médicales et témoignages sincères.
Un traitement de fond contre les cancers hormono-dépendants
Moins spectaculaire que la chirurgie, moins visible que la chimiothérapie, l’hormonothérapie agit dans l’ombre. Elle est pourtant l’un des traitements les plus efficaces pour prévenir une récidive du cancer du sein. Elle est proposée aux femmes dont la tumeur est dite «hormono-dépendante», c’est-à-dire sensible à l’action des œstrogènes. Ce profil concerne plus de deux tiers des patientes. Le principe est simple: priver les cellules cancéreuses de ce carburant hormonal pour éviter qu’elles ne se développent à nouveau.
Dans la majorité des cas, l’hormonothérapie est prescrite après la chirurgie, parfois en parallèle ou à la suite d’une radiothérapie. Il s’agit d’un traitement qui agit en profondeur. «C’est une thérapie ciblée, très efficace, qui réduit le risque de rechute de moitié et améliore nettement la survie des patientes. Son mécanisme d’action est parfois peu connu ou mal compris par les patientes», explique le Dr Kahlil Zaman, oncologue et responsable médical du Centre du sein au CHUV à Lausanne. Dans ce contexte, des ateliers de discussion sont organisés en commun avec le Service d’endocrinologie au CHUV pour permettre un échange entre patientes et oncologue, endocrinologue, nutritionniste, physiothérapeute, pharmacienne, psychologue et infirmière.
«En dix ans sans traitement, la tumeur droite avait atteint
3,5 cm.» Muriel, 50 ans

Comment fonctionne l’hormonothérapie?
Le traitement prend généralement la forme d’un comprimé à prendre quotidiennement, pendant au moins cinq ans en moyenne. Le tamoxifène est souvent prescrit aux femmes jeunes, tandis que les inhibiteurs de l’aromatase sont réservés aux femmes ménopausées. Dans certains cas, une injection mensuelle est ajoutée pour bloquer la production hormonale des ovaires. La durée peut s’étendre à sept ou dix ans, selon le type de cancer, l’âge de la patiente et le risque de récidive. Un suivi médical régulier permet d’évaluer les effets, les ajustements nécessaires et la tolérance au traitement.
Les bénéfices sont bien documentés. Le risque de rechute diminue de moitié, la survie augmente de 30 à 40%, et l’effet protecteur peut perdurer au-delà de vingt ans malgré l’arrêt. Pour les patientes, ce sont des chiffres rassurants, mais qui doivent être mis en balance avec les effets ressentis au quotidien.
«Je me suis recentrée sur l’essentiel et surtout, je garde en tête l’objectif: rester en vie.» Mylène, 44 ans
Tenir bon malgré les effets secondaires
Muriel, bientôt 50 ans, de Lausanne, a été diagnostiquée en 2018 d’un double cancer du sein. «En dix ans sans traitement, la tumeur droite avait atteint 3,5 cm. Elle a été enlevée par chirurgie, 16 chimiothérapies et 28 radiothérapies au même titre que la petite tumeur à gauche.» Dès 2019, elle accepte de suivre l’hormonothérapie. «En 2024, grâce à ce traitement, des cellules indolentes, probablement oubliées lors de la première intervention chirurgicale (tumorectomie) qui s’étaient réveillées à droite, mesuraient seulement 3 mm. Et rien à gauche.» Les chiffres parlent d’eux-mêmes en termes de prévention.
À titre préventif, Muriel a préféré procéder à une ablation de sa poitrine (double mastectomie) et elle poursuit l’hormonothérapie efficace à ses yeux jusqu’à fin novembre 2027. Elle a vécu une ménopause précoce, de légères douleurs articulaires, une sciatique mais garde son énergie débordante. «Je me suis adaptée. Ce n’est pas toujours facile, mais je préfère cela à une récidive.»
Emmanuella, 40 ans, de Genève, a entamé son traitement à l’âge de 30 ans. «Les trois premières années, je n’ai eu aucun effet secondaire. Ensuite, la fatigue, les douleurs musculaires et les bouffées de chaleur sont arrivées. J’ai tenu bon grâce au sport, à la foi, à mon entourage. Je n’ai jamais envisagé d’arrêter.» Son témoignage, empreint de résilience, rappelle à quel point l’accompagnement joue un rôle clé dans la réussite du traitement.
Car si l’hormonothérapie est globalement bien tolérée, ses effets secondaires peuvent bouleverser le quotidien: bouffées de chaleur, prise de poids, troubles du sommeil, sécheresse intime, baisse de libido ou douleurs diffuses. L’intensité de ces symptômes varie d’une femme à l’autre, et leur gestion nécessite une approche individualisée.
«On le fait pour rester là. Pour voir grandir ses enfants. Pour vivre», Marie, 53 ans
Un chemin intime, à adapter à chaque femme
Mylène, 44 ans, d’Attalens, vit une ménopause artificielle induite par le traitement. «J’ai pris du poids, j’ai souvent chaud et parfois mal aux articulations, mais j’ai repris le sport malgré tout. Je me suis recentrée sur l’essentiel et surtout, je garde en tête l’objectif: rester en vie.»
Chez certaines femmes, le traitement devient si lourd qu’il nécessite une pause. Marie, 53 ans, de Corsier-sur-Vevey, a accepté l’hormonothérapie pour son fils âgé de 15 ans à l’époque. «Je ne me reconnaissais plus. Une fatigue extrême, un brouillard mental, une perte de vitalité.» Après deux ans, elle a demandé une pause thérapeutique. «En trois semaines, j’ai retrouvé mon énergie, mon humour, mon souffle. Je vais probablement reprendre, mais différemment. Je sais maintenant à quel prix je le fais.»
Ces ajustements sont possibles, comme le rappelle le Dr Zaman: «Le rôle du médecin, aujourd’hui, n’est plus de simplement prescrire. Il s’agit d’écouter, de comprendre ce que vit la patiente, et de proposer des solutions. Ce traitement sauve des vies, mais il doit être personnalisé.»
Car au-delà des statistiques et des protocoles, l’hormonothérapie est un chemin profondément personnel. Certaines patientes arrêtent, d’autres reprennent, d’autres encore s’accrochent coûte que coûte. Ce qui les relie, c’est une décision de vie. «On le fait pour rester là. Pour voir grandir ses enfants. Pour vivre», résume Marie.
Et derrière chaque comprimé avalé quotidiennement, derrière chaque bouffée de chaleur endurée en silence, il y a cette même conviction: que la vie, malgré tout, en vaut la peine.
«J’ai tenu bon grâce au sport, à la foi, à mon entourage. Je n’ai jamais envisagé d’arrêter.» Emmanuella, 40 ans
L’HORMONOTHÉRAPIE EN BREF
OBJECTIF: empêcher les récidives en réduisant l’action ou la fabrication des œstrogènes.
POUR QUI: 2 femmes sur 3, lorsque la tumeur est hormono-dépendante.
DURÉE: de 5 à 10 ans.
BÉNÉFICES: jusqu’à 50% de récidives en moins.
EFFETS SECONDAIRES: fatigue, douleurs, bouffées de chaleur (très variables).
À RETENIR: un traitement discret mais vital, à accompagner de près.
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