Regarder le glacier s’en aller

Comment aborder la disparition des glaciers? Comment penser cette évolution? Voilà les questions que posera l’exposition décentralisée «Regarder le glacier s’en aller»,  qui se tiendra dans toute la Suisse du 7 juillet au 29 septembre 2024.

Le projet, produit et réalisé par l’association «Aux Arts Les Glaciers!», soutenu par la Loterie Romande et différents donateurs, propose une réflexion globale sur le changement. Au-delà d’une vision exclusivement catastrophiste, des œuvres artistiques, mais aussi des performances et des discussions, se feront l’écho de ce qui succédera à cette fin inéluctable: une nouvelle biodiversité, un recommencement.

Comment aborder la disparition des glaciers?
Exposition «Regarder le glacier s’en aller»

CARMEN PERRIN, artiste plasticienne et initiatrice du projet

En 2019, j’ai été invitée à une résidence artistique à l’Institut Furkablick (VS), sur le site du glacier du Rhône, dans le col de la Furka. Je me suis toutefois vite rendu compte que ma démarche artistique prendrait la forme d’une enquête. Pour contrer l’accélération de la fonte, une partie importante du glacier avait été recouverte de bâches géotextiles, dont certaines ont progressivement été délaissées au fil des ans, pour finir par se déchirer sous le poids des pierres ou être recouvertes de terre et de poussière. Ce décor affligeant porte, encore aujourd’hui, une atteinte esthétique au glacier et pollue la source du Rhône avec des microplastiques. Depuis 2019, j’ai réalisé une série d’éditions intitulée «Regarder le glacier s’en aller» avec pour but de mettre en place les meilleures conditions pour retirer toutes les bâches, assainir le site et inviter le public à venir regarder le glacier s’en aller. Non pas pour constater une impuissance à le sauver, mais pour prendre conscience qu’il en est encore temps. L’exposition «Regarder le glacier s’en aller» s’inscrit, depuis 2022, dans la continuité de ce projet. En collaboration avec l’architecte Georges Descombes, l’ingénieur Jurg Conzett et le musicien Jacques Demierre, je présenterai, lors de l’ouverture officielle du 7 juillet une exposition qui retrace mon enquête et évoque l’émergence de paysages postglaciaires, riches d’une biodiversité inédite. Ces «jardins alpins» doivent désormais être protégés pour leur capacité exceptionnelle à se régénérer, à absorber le CO2 et à réguler le cycle de l’eau.

Image Glacier Furka
Furka © CarmenPerrin

BERNARD FIBICHER, curateur et initiateur du projet

Lorsque Carmen Perrin m’a contacté, je me suis dit qu’il serait intéressant de fédérer différentes institutions suisses autour du projet: des musées, mais aussi des hôtels bordant des glaciers. L’objectif de la manifestation consiste à montrer aux visiteurs ce qui est en train de se jouer actuellement. Au-delà des œuvres muséales, des performances de danse et de musique données sur ou au bord des glaciers permettront ainsi au public de se confronter directement à la réalité de la situation. Une thématique aussi sensible nécessitait par ailleurs une organisation consciente. Afin de limiter l’empreinte carbone du projet et d’en garantir la durabilité, nous avons décidé de décentraliser l’exposition. Aucune œuvre ne sera transportée, et chaque musée mettra en avant les peintures, sculptures et vidéos au sein de ses locaux. Quant au choix des œuvres exposées, certaines institutions telles que le Musée d’art du Valais s’en sont chargé de manière indépendante. J’ai en outre proposé une liste d’œuvres pour le Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA), dont j’ai été le directeur durant 15 ans, et ai également choisi tous les travaux réalisés spécifiquement pour l’exposition. Ces œuvres contemporaines feront office de contrepoint aux œuvres anciennes afin d’actualiser le discours à propos de la fonte des glaciers.

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LORETTE COEN, essayiste et spécialiste du paysage, initiatrice du projet

Ayant observé la recherche menée par Carmen Perrin lors de sa résidence sur le glacier du Rhône, j’ai apprécié la manière dont elle abordait la question de la fonte des glaciers: non pas de façon dramatique comme le font certains scientifiques, mais de manière réaliste, au travers de son regard d’artiste. C’est en discutant ensemble que nous avons évoqué l’idée d’un projet plus important. Bernard Fibicher a ensuite proposé de l’étendre à l’échelle de la Suisse. Le fait que l’exposition soit décentralisée permet de proposer une vision extrêmement large du thème, en mobilisant de nombreuses institutions du pays de manière totalement inédite. Afin de garantir une communication claire, l’association «Aux Arts Les Glaciers!» a développé une signalétique rigoureuse mais discrète. Par exemple, dans les musées, chaque œuvre liée à l’exposition sera accompagnée d’un losange rouge portant un QR code, que les visiteurs pourront scanner grâce à une application afin d’obtenir des informations non seulement sur l’œuvre en question, mais aussi sur le programme dans sa globalité.

© FÉLIX VALLOTON

Ouverture officielle de l’exposition: le 7 juillet dès 12h30 à l’Hôtel Glacier du Rhône à Gletsch (VS). Plus d’informations sur: artforglaciers.ch