Corinne Buttet: royale!

Nous la connaissons sans la connaître. Elle, c’est Corinne Buttet, 56 ans, première femme vigneronne-tâcheronne couronnée lors de la Fête des Vignerons 2019 parmi ses 74 pairs. Une femme médaillée, c’est historique, une première depuis la création de la Fête en 1797.

—Fille unique, avez-vous connu une jeunesse dorée… par les trois soleils de Lavaux?
Jeune, je détestais la vigne mais il était obligatoire d’aider alors que les copains, eux, allaient à la plage. Je faisais tout pour qu’on se débarrasse vite de moi et ça marchait: je rouspétais tellement!

—Votre métier, une vocation?
J’ai eu du mal à trouver ma voie. A 15 ans, j’ai voulu devenir caviste, mais mon père s’y opposait. Aussi, après un diplôme d’employée de commerce dans une cave, j’ai travaillé dans la sécurité, la cuisine, etc. C’est finalement à 35 ans que j’ai eu l’appel de la terre, alors que mon père envisageait sa retraite. J’ai entrepris un CFC de viticulture à Marcelin. Trois ans plus tard, diplôme en poche, j’accouchais de mon fils le 30 octobre, et le 1er novembre 2000 je reprenais le Domaine des Allours de mon père, qui appartient à la Commune de Vevey. J’étais la seule vigneronne à l’époque. En 2011, j’ai repris celui de la Cure D’Attalens à Chardonne, propriété de la cave Obrist SA. Pour entretenir ces domaines de la Confrérie des Vignerons, je suis entourée de mes deux précieux collaborateurs : Paulo et son fils Pedro.

—Etre une femme dans cet environnement, ça change quoi?
Il y a 30 ans je n’aurais pu faire ce métier. J’ai commencé sans mécanisation. Même avec le mental pour, il faut de la capacité physique, de la force. Aujourd’hui, les machines nous aident beaucoup.

—Le moment où tout a basculé…
Le 18 juillet dernier à la Fête des Vignerons, lorsque j’ai entendu mon nom. Il y a eu une telle clameur, je paniquais, heureusement que j’avais du Rescue! D’ailleurs, à la montée des marches, mon chapeau était à l’envers! Au couronnement, j’ai levé les yeux vers le Ciel en pensant à mon père comme pour lui dire: «tu as vu, j’y suis arrivée». Sans parler de l’émotion de découvrir mon fils les larmes aux yeux et recevoir les cris de joie des 85 amis et famille du monde entier qui avaient fait le déplacement!

—A quelle heure êtes-vous à l’oeuvre le matin?
Entre 5h30 et 6h. Mais 4h30 en cas de canicule pour travailler «à la fraîche».

—Votre cépage préféré?
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai une affection particulière pour le chasselas! Et l’idéal c’est de boire le vin à la vigne, il est encore meilleur qu’à la maison.

—Votre péché mignon?
Le Sortilège, une liqueur à base de whisky canadien et de sirop d’érable.

—La rançon de la gloire?
Je n’arrive plus à faire un pas sans qu’on me reconnaisse! Je me rappelle, au plus fort de la Fête, avoir pris 17 minutes pour marcher 20 mètres tant les visiteurs voulaient me saluer ou prendre un selfie. Moi qui prise la discrétion et n’aime pas être l’objet de l’attention, c’est raté… En même temps, quel plaisir de voir notre travail reconnu!

—La relève?
A 19 ans, mon fils Julien a décidé de perpétuer la tradition familiale! Après une année dans le domaine de Gianni Bernasconi à Chardonne, il effectue sa deuxième année chez Pierre et Michel Anex à Ollon.


PHOTO: STUDIO FIGURANTS