Moins de gluten, moins de lactose… je m’allège

Les régimes «sans» font le buzz. Mais, en éliminant les aliments contenant du gluten et du lactose, ne risque-t-on pas un déséquilibre alimentaire? Et la perte de poids tant vantée est-elle au rendez-vous? Enquête.

Il y a quelques années, c’était LE secret forme des actrices américaines, des athlètes médaillés et des tops les plus glamours. Aujourd’hui, le régime «gluten and lactose free» a largement dépassé les frontières de la sphère people et tout le monde ou presque connaît, dans son entourage, quelqu’un qui ne mange plus ni pain, ni pâtes, ni laitages et se sent depuis plus léger et en meilleure santé. Loin de s’essouffler, la tendance poursuit sa conquête à grand renfort de livres, blogs, sites web, produits estampillés et, carrément, restos spécialisés.

Un effet de mode?
Entre spécialistes, le débat n’est pas clos. D’un côté, les «héritiers» du Dr Jean Seignalet qui, en 1996, dans L’Alimentation ou la troisième médecine (Ed. du Rocher) vantait les mérites d’une alimentation ancestrale, dénuée de produits laitiers et de céréales «mutées» (blé, orge, avoine…). De l’autre, certains nutritionnistes qui mettent en garde contre le risque de déséquilibre alimentaire dès qu’on vire purement et simplement des catégories d’aliments sans motif médical. Car il faut rappeler que le gluten, protéine présente dans le blé, doit en effet être totalement évincé de l’alimentation en cas de véritable intolérance (maladie coeliaque). Or, aujourd’hui, la filière «no gluten» est surtout alimentée par la NCGS, autrement dit: la sensibilité au gluten non coeliaque. Et le professeur Bruno Bonaz, gastroentérologue au CHU de Grenoble, le confirme: «De plus en plus de personnes ne présentant pas de maladie coeliaque mais qui sont affectées par le syndrome de l’intestin irritable (fermentation, gaz, ballonnements douloureux… n.d.l.r.) se mettent au régime sans gluten avec une amélioration de leurs symptômes.» Une réalité, donc, mais qui reste difficile à chiffrer. Quant à l’intolérance au lactose, le sucre du lait, elle n’est jamais grave mais peut engendrer, dès lors qu’on ne secrète plus de lactase, l’enzyme qui le digère, des ballonnements. Et la baisse de sécrétion de lactase commence dans l’enfance. En résumé, sans gravité, ces hypersensibilités génèrent un inconfort digestif et pourraient aussi, selon des observations, entraîner des douleurs articulaires, des problèmes de peau, des migraines… Par ailleurs, la plupart de ceux et celles qui ont arrêté ou limité le gluten et le lactose affirment qu’ils ont retrouvé la ligne. Pipeau? «Supprimer le gluten ou les produits laitiers pour maigrir fonctionnera un temps, le temps de remplacer ces aliments par d’autres, qui seront autant, voire plus, caloriques. De plus, ces restrictions déséquilibreront l’alimentation», s’inquiète Nathalie Negro, diététicienne, responsable du Centre nutritionnel des Thermes de Brides-les-Bains. «Avant de suivre un régime “sans”, il est donc essentiel de faire un dépistage pour connaître précisément l’origine de l’intolérance», conseille-t-elle.

Oui, on dégonfle (un peu)
Quand on y est sensible, le gluten et/ou le lactose peuvent entraîner des fermentations intestinales qui se manifestent par le syndrome de l’intestin irritable. Peu après les repas, le ventre gonfle et devient douloureux, ce qui nécessite de déboutonner son pantalon. Leur mauvaise assimilation peut par ailleurs entraîner un état inflammatoire accompagné d’un «oedème aqueux» – c’està- dire de rétention d’eau. Résultat: sans être pour autant en surpoids, on affiche des rondeurs qui ne sont, au final, que de l’eau et de l’air! En identifiant puis en évinçant les nutriments incriminés, on renoue en quelques jours avec un meilleur confort digestif, un ventre plat et une sensation de légèreté. Et, au passage, on équilibre sa flore intestinale, ce qui, selon de récentes études, pourrait en effet contribuer à rester stable côté poids. En outre, adopter une alimentation sans gluten ni lactose oblige, de fait, à passer de la «junk» à la «nature food». Et c’est surtout cela qui peut nous permettre de nous alléger. Question de bon sens: en traquant le gluten et le lactose, on élimine de fait les produits ultracaloriques comme les pizzas, croque-monsieur, tartes, gâteaux, pâtisseries, biscuits, desserts lactés, flans, glaces… On zappe aussi de nombreux produits industriels, dans lesquels gluten et lactose servent d’agents de texture bon marché: plats préparés, poissons et viandes panés, certaines charcuteries (saucisses, certains pâtés…), sauces, soupes, purées de pommes de terre, spécialités chocolatées, mayonnaise… La liste est longue et épingle la plupart des produits pas franchement recommandés pour la ligne.

On s’y met sans risque de déséquilibre
On peut, pendant un mois, essayer de limiter au minimum les aliments riches en gluten et en lactose, c’est-à-dire le blé, sa farine et ses dérivés (pain, pâtes, semoule, boulgour, gâteaux, biscuits…), l’orge, le seigle et leurs dérivés, le lait et les laitages (de vache, chèvre, brebis…). Mais inutile d’être trop radical. Il y a du gluten dans le surimi ou même les médicaments, par exemple, mais en faible quantité. Idem pour le lactose: on peut conserver des yaourts et du fromage car ce sucre y est «prédigéré» par le processus de fermentation.

Du riz, des lentilles, etc.
On caste au mieux les remplaçants d’aliments à base de blé: on opte pour du riz complet ou basmati, du quinoa, du sarrasin, des légumineuses (trempées au préalable pour en faciliter la digestion) et on préfère la patate douce à la pomme de terre. Au petit-déjeuner, on évite au maximum les galettes, crackers, pains et produits de boulangerie sans gluten à base de farines de maïs ou de riz car leur index glycémique est élevé. Ils ont donc une fâcheuse tendance à provoquer des fringales deux heures plus tard. On privilégie les produits (maison ou artisanaux: pain, flocons, pancakes, porridges, crêpes…) préparés avec des farines de pois chiche, de sarrasin, de quinoa, de châtaigne, qui affichent les index glycémiques les plus bas (donc procurent une satiété durable). On peut aussi opter pour un pain au petit épeautre: son index glycémique est bas et son gluten plus digeste que celui du blé.

Cuisine légère
Pour contrôler les apports en gluten ou en lactose mais aussi en sucre, sel, matières grasses et calories tout en améliorant la qualité nutritionnelle (vitamines, minéraux, bons acides gras…) de son assiette, rien de tel que de préparer soimême ses plats, desserts… On achète des aliments basiques et on cuisine, en privilégiant des recettes saines et légères, pauvres en graisses et en sucres ajoutés (à découvrir par exemple dans 4 saisons sans gluten et sans lait de Christine Calvet, Ed. Thierry Souccar).

On switche
Pas tant pour faire baisser la quantité de calories que pour gagner en qualité nutritionnelle (davantage de vitamines, de fibres, de minéraux…), on troque la pâte à tartiner et le beurre contre de la purée d’oléagineux (arachides, noisettes, amandes…), le lait contre des jus végétaux nature (amande, noisette…), les chocolats blanc et au lait, ainsi que les pralines contre du chocolat noir à fort pourcentage de cacao (70% minimum), les préparations de poisson et viande contre de la «vraie» viande et du «vrai» poisson… On utilise de préférence des huiles végétales (noix, colza, pépins de raisins…) dont les acides gras, insaturés, sont utilisés en priorité par l’organisme pour renouveler la membrane des cellules, donc peu stockés, contrairement aux graisses saturées (beurre, crème…) et hydrogénées. Et puis on évite l’écueil qui consiste, pour compenser, à se ruer tête baissée sur les produits transformés estampillés «sans gluten» ou «sans lactose» sans regarder scrupuleusement l’étiquette. Certains biscuits, gâteaux, crèmes dessert à base de «lait» végétal… satisfont les papilles mais sont également – parfois plus – riches en sucres et en matières grasses.


Merci également au Dr Martine Cotinat, gastroentérologue, auteure de L’assiette à malices, Ed. Thierry Souccar, et à Angélique Houlbert, diététicienne-nutritionniste, coauteure du Le nouveau régime IG, Ed. Thierry Souccar.