L’audace d’écrire ensemble le théâtre

A Genève, le Théâtre Am Stram Gram, Centre International de création et de ressources pour l’enfance et la jeunesse, lance une expérience novatrice: un collectif intergénérationnel de programmation. Depuis septembre cinq adultes et cinq enfants écrivent la saison 2019/20. Une aventure qui ose le mode collégial dans un lieu où l’on vit le mélange de compétences, d’expériences et de points de vue comme une source de richesse et d’inattendu. Un dispositif inédit pour ce théâtre dont la saison 2018/19 est soutenue par la Loterie romande.

Fabrice Melquiot,
directeur
Je commence ma 7e saison à la direction. Quand je suis arrivé, des ateliers de pratique artistique étaient proposés aux spectateurs enfants et adolescents. Il me semblait qu’on pouvait travailler davantage dans ce sens-là pour qu’ils sentent notre envie de faire du théâtre avec eux. Nous avons développé les ateliers et avons appelé les participants compagnons ou compagnonnes. On n’est pas une école de théâtre, l’idée n’est pas de former des acteurs, plutôt de conforter le regard critique de chacun. Or programmer un lieu est un acte d’écriture et peut devenir un acte collectif. Avec qui? Des membres de mon équipe, puis certains compagnons, tout simplement parce qu’ils ont une connaissance de l’identité de ce théâtre. Ils en sont les premiers spectateurs. Il a fallu préciser le projet et ses modalités car c’est évidemment plus complexe que si je programme seul. Nous sommes dix à travailler sur la saison 2019/20. Nous avons des réunions mensuelles où nous étudions vingt dossiers. C’est toujours le ou la compagnonne qui commence à donner son ressenti. Ensuite nous décidons de rencontres avec les auteurs, les metteurs en scène. Au sortir, il y a un débriefing, les plus jeunes prennent la parole en premier et on tient compte des avis de chacun. Ce partage d’impressions est essentiel pour accéder à l’imaginaire des enfants et des ados qui participent. Eux que rêvent-ils de voir sur scène? Qu’est-ce qui les concerne aujourd’hui? Ce lieu s’attache à dialoguer d’enfance à enfance avec des spectacles pensés et bientôt programmés depuis l’enfance. Le collectif défend d’abord un modèle de gouvernance.

Zoé Adatte,
12 ans, compagnonne
Je prends des cours depuis trois ans. Le théâtre j’adore ça. Ce que j’aime dans le collectif, c’est qu’on parle vraiment de nos goûts: qu’est-ce qu’on aime dans la pièce, pourquoi on a écrit ça, quel est le message à l’intérieur. Alors forcément ça permet de partager les visions que les autres ont sur la vie. C’est ça qui m’intéresse. Je peux donner mon avis, apporter mes idées sans qu’on me juge. Par exemple, un spectacle nous a été présenté et je le trouvais cliché. J’ai pu le dire à l’auteur, il m’a mieux expliqué et j’ai compris ce qu’il avait dans sa tête. Quand je rencontre les auteurs et les metteurs en scène, je suis un peu comme éblouie, impressionnée. Mais quand je vois un spectacle, c’est comme si je faisais une enquête. J’essaie de tout regarder, de réfléchir. On peut faire passer des messages. Vendre un ticket de théâtre c’est vendre du rêve! Pour moi, un bon spectacle fait voyager dans un monde complètement différent et contient un message sans cliché. Au plus profond de moi, je me pose toujours une question que je ne connais pas vraiment. Si un jour je peux la partager grâce au théâtre, des gens vont la voir. Je pense qu’on a tous une question qu’on se pose au fond de nous et qu’on a besoin de dire aux autres pour la résoudre ensemble. C’est ça le théâtre. Le théâtre, c’est beaucoup plus qu’un spectacle!

Toutes les informations sur: www.amstramgram.ch