Serial designeuses!

Y aurait-il une urgence à repenser le design? Possible à en juger le label sous lequel Clara Peyrot et Margaux Renvoisé, deux designeuses basées à Cully, signent leurs créations. Derrière NUNC (en latin: maintenant) se cache une idée simple; produire de nouveaux objets à partir de ceux existant déjà…

Comment vous êtes-vous rencontrées?
Sur les bancs de l’ECAL. Enfin presque! Au sein de l’ECAL, on ne se côtoyait pas tellement. C’est un projet d’étude des systèmes de production en Inde et au Mexique qui nous a réunies. On a beaucoup appris sur la façon de produire en «système D»! De là, est née une envie commune de faire un design plus responsable…

Rien ne se perd, tout se transforme, c’est l’idée?
En partie! On a surtout cherché à réconcilier l’industrie avec l’artisanat, car l’un et l’autre ont beaucoup à s’apporter. L’industrie va au plus simple et au moins cher, mais l’artisanat fourmille d’idées. Notre démarche consiste à utiliser des objets industriels, mis au rebut, pour en créer de nouveaux de manière artisanale. Un bocal en verre se transforme en lampe, des pochettes de vinyles en couvertures de cahier, des carrelages deviennent des planches apéro et de vieux jouets mutent en objets déco. On essaie de concevoir des objets simples à produire afin de rendre, aussi, le design plus abordable.

Votre démarche est écologique, citoyenne, politique ou les trois à la fois?
Les trois à la fois! Il s’agit de repenser la façon de produire et de consommer les objets. Si on travaille aujourd’hui avec les artisans vaudois, ce n’est pas par chauvinisme, mais pour produire ce qu’on consomme. Une planche apéro fabriquée par un artisan suisse, dans un matériau suisse, est destinée à un utilisateur suisse. Mais si on fabriquait des planches apéro en Inde, ce serait forcément avec des matériaux indiens pour un public indien. On met en avant l’aspect local, le savoir-faire, le matériau, en essayant de donner du sens aux objets.

Le point de départ de vos créations est toujours l’objet récupéré?
Oui en obéissant, toutefois, à une contrainte: trouver au moins 200 pièces identiques pour produire en moyenne série. L’idée n’est pas de réaliser un objet de galerie, mais de démocratiser le design autant que possible. On manipule l’objet un moment avant de trouver ce qu’il va devenir. Récemment, on a récupéré des couvercles de boîtes à biscuits qui ont failli servir de corbeilles à papier, puis de vide-poches avant de finir en miroirs!

Pourquoi vos créations portent-elles des prénoms?
Les prénoms sont des clins d’oeil aux gens qui nous ont aidées. Un petit hommage qui rappelle qu’un objet est le résultat d’une somme de talents. Un designer peut difficilement s’approprier la paternité d’un objet… Nunc c’est d’abord des objets et une démarche. On pourrait s’appeler Tartampion, ce serait pareil!

Des objets qui se transforment et qui durent, vous réalisez que c’est la fin de notre croissance économique?
Ah bon? Il n’ y a pas un petit courant en ce moment qui prône la décroissance? Et si on s’arrêtait de croître? Sans diminuer, on pourrait peut-être tenter de garder l’équilibre…


2014: Rencontre de Clara et Margaux. «On comprend qu’il y a un truc intéressant à creuser avec la réutilisation, mais comment?»
2015: Création de Nunc. «On loue un petit local de 9 m2 et on se lance!»
2017: Nunc est distribuée dans toute la Suisse. «On a enfin une vraie collection qui tourne!»
2027: Les ateliers Nunc prennent vie un peu partout dans le monde «pour produire et consommer local.»
www.bynunc.com