Elles sont adeptes de la “cure sans homme”

À une époque où les rencontres amoureuses se jouent d’un coup de pouce vers la droite ou la gauche, son choix de se mettre en retrait des affres du « dating » et des désagréments de la vie de couple a braqué les projecteurs sur elle.

Après avoir entrepris, en octobre dernier, un inventaire de sa vie amoureuse qui l’a conduite à comprendre qu’elle avait toujours été « en couple » depuis la maternelle, l’actrice américaine Hope Woodard s’est lancée pendant un an dans l’expérience appelée boysober (le « régime sans garçon).

Elle la chronique chaque mois dans un spectacle de stand-up à Brooklyn ainsi que pour son demi-million de followers sur TikTok.

Le boysober est à la relation amoureuse ce que le dry january est à la consommation d’alcool : un coup d’arrêt, un moment de respiration bon pour soi et sa santé mentale dont l’objectif est de désapprendre les schémas relationnels malsains, consubstantiels de la vie de couple.

Quête d’indépendance et dénonciation du patriarcat

« Peut-être que nous sommes l’une des premières générations de femmes à ne pas avoir besoin d’être avec un homme pour ressentir de l’énergie ou du pouvoir », s’interroge la comédienne dans The New York Times. « Cette idée d’être sans homme pour être mieux existait déjà dans les années 70 au sein des sphères féministes, explique la sociologue Marie-Cécile Naves, autrice de Calmez-vous, Madame, ça va bien se passer, (éd. Calmann-Lévy) et directrice de l’Observatoire Genre et Géopolitique à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Dans les années 90, le célibat choisi et revendiqué est porté par la pop culture. Mais depuis 2010, années post #MeToo, le féminisme est sorti de la sphère militante pour infuser toutes celles de socialisation sans forcément de conscience politique. Le célibat choisi croise d’autres évolutions sociales comme l’individualisme et le fait décultiver son bien-être. »

Quête d’indépendance, de réalisation personnelle, dénonciation du patriarcat : chez les jeunes générations, le mode de vie en duo semble avoir pris un coup. Et c’est le chantre du dating qui le confirme : l’étude Single Not Sorry, réalisée par Tinder en 2019, révèle que 74 % des Français·es de 18 à 25 ans sont célibataires par choix.


Le couple ne sera bientôt plus la norme

Des « soligames » qui préfèrent se marier à eux-mêmes aux « célibattantes » des nineties en passant par  l’Eingleði islandais vantant les mérites du célibat ou au plus récent boysober : chaque génération a cherché à remarketer le célibat.

Comme s’il lui fallait un joli emballage conceptuel pour être mieux accepté. « J’ai l’impression qu’on a beau changer de vocabulaire, aux États-Unis, on utilise désormais le mot “solo” à la place de “single”, dans les faits, tout cela cache le même problème : le célibat n’est toujours pas assumé en tant que réalité sociologique », explique France Ortelli, journaliste et documentariste, autrice de Nos cœurs sauvages (Éd. Arkhé.).

Pourtant, pour la première fois de l’histoire, les couples ne seront bientôt plus la norme. En France, les chiffres montrent que les individus font de moins en moins l’amour et le célibat a été multiplié par trois en cinquante ans.

Inclure politiquement les célibataires

« Le célibat dépend encore fortement du territoire et des classes sociales, nuance Marie-Cécile Naves. Dans certains milieux, le célibat féminin est vécu comme un véritable échec. Pour une certaine jeunesse, la réussite sociale passe avant tout par la mise en couple. »

Avec le couple comme norme inaliénable, la société continue de regarder les solos avec étonnement. Créant, en réaction, de nombreuses tentatives de les revaloriser. Dans Vieille Fille, une proposition (Éd. La Découverte), l’autrice Marie Kock réhabilite la figure repoussoir de celle qui, ni mère ni épouse, vit hors du carcan du couple.

Plutôt que remanier sans cesse ce concept de célibat pour essayer de le rendre appétissant, il vaudrait mieux arrêter d’être dans le déni.

Avec Sologamie, « le podcast des célibataires qui n’ont besoin de personne », la journaliste Marie Albert parle des problématiques qui touchent les célibataires – que ce soit pour quelques mois ou bien pour toujours –, sous-documentées, selon elle, dans les médias.

Aux États-Unis, la psychologue Bella DePaulo invente le terme de singlism, un moyen de dénoncer la stigmatisation dont ils et elles sont victimes. « Plutôt que remanier sans cesse ce concept de célibat pour essayer de le rendre appétissant, il vaudrait mieux arrêter d’être dans le déni, poursuit France Ortelli. Et inclure politiquement les célibataires, plutôt que les invisibiliser, en créant, par exemple, une société égalitaire où ils ne paient pas plus d’impôts que les couples. »

 

Article publié dans le magazine Marie Claire n°860